Les associations citoyennes expriment leurs inquiétudes concernant le projet de loi abusif de ce parlement.
Les 17 et 21 mai, le Yuan législatif a gravement violé la justice procédurale en tentant de finaliser la troisième lecture de trois projets de loi dont la "Loi sur l'exercice des pouvoirs du Yuan législatif" et les amendements au Code pénal pour outrage au parlement. Plus de cinquante groupes, dont l'Alliance civile de Taïwan, l'Union pour la démocratie économique de Taïwan et l'Alliance de Taïwan pour la protection du référendum, ont initié une mobilisation « contre les abus du parlement et le recul de la démocratie, rassemblement citoyen au Yuan Législatif ! », exigeant que les trois projets de loi soient renvoyés en commission pour un nouvel examen. Lors de la mobilisation du 21 mai, nous avons expliqué comment les deux partis nationaux ont imposé ces législations en faisant fi de la procédure parlementaire. À la conférence de presse d'aujourd'hui, nous voulons expliquer à nos concitoyens que ces projets de loi vont gravement compromettre le principe de séparation des pouvoirs et causer des dommages sérieux aux droits des citoyens, des entreprises et des organisations civiques.
En examinant les deux derniers jours de la réunion plénière du parlement, et en se basant sur les amendements adoptés grâce au « manuel de référence » préparé par Huang Kuo-chang (le leader parlementaire du Taiwan People’s Party), nous estimons que l'impact le plus significatif sur le secteur privé est le suivant : (1) l'article 25 étend de manière abusive le droit d'interpellation des députés en permettant à chaque député d'obliger les fonctionnaires à fournir des informations privées avec un « super droit d'interpellation » ; et (2) l'article 47, renommé « droit d'enquête », étend la portée d’enquête au-delà des secteurs publics pour inclure le secteur privé, sans disposer des mesures de protection nécessaires pour les données personnelles, la vie privée et les secrets commerciaux des citoyens, des entreprises et organisations civiles.
Hsu : Ce pouvoir maximisé d’interpellation des membres du parlement pourrait créer, de manière détournée un « droit d'enquête individuel des députés » inexistant dans les systèmes juridiques d’autres pays. Cela risque de conduire à des abus de pouvoir de la part des députés à des fins personnelles, au détriment des droits individuels, des entreprises privées et des organisations.
Le secrétaire général adjoint de l'Union pour la démocratie économique, Hsu Kuan-tze, a déclaré que l'article 25 de la loi sur l'exercice des pouvoirs du Yuan législatif concernant le droit d'interroger des députés a, suite à cette révision, incroyablement dérivé vers un « super droit d'interrogation » qui permet aux députés d'exiger des fonctionnaires interrogés de fournir toute sorte d’informations, y compris des données détenues par des organismes publics concernant des citoyens, des entreprises ou des organisations. Les fonctionnaires ne peuvent refuser de fournir ces informations que s'ils obtiennent l'accord du président de séance, sous peine d'être soumis à une procédure de destitution, à des sanctions disciplinaires et à des amendes.
Nous souhaitons particulièrement souligner que le droit originel de convocation du Yuan législatif devait être initié par l'assemblée plénière ou par une commission via un système collégial, et non par un député individuel. Cependant, après la révision de la loi, ce « super droit d'interrogation » permet à un seul député d’obliger les chefs de départements à fournir des informations incluant celles du secteur privé, ce qui pourrait engendrer des abus de pouvoir par les députés pour servir leurs intérêts personnels, et porter atteinte aux droits des individus, des entreprises privées et des organisations.
Dans le passé, il n’était pas rare que les députés profitent de le rôle de gardiens des entreprises, interviennent dans la gestion des sociétés cotées en bourse, ou attaquent les concurrents. Le chef de groupe du KMT, Fu Kun-chi, a lui-même été condamné par le tribunal pour son implication dans des conflits d'entreprises. Permettre à un député unique d'exercer un tel pouvoir d'enquête risque de placer les citoyens, les entreprises et les organisations à la merci de ces « super députés » rendus quasi omnipotents.
De plus, l'article 25 révisé distingue la « personne interrogée » et le « personnel gouvernemental », démontrant clairement que la « personne interrogée » dans cet article ne se limite désormais plus aux fonctionnaires gouvernementaux, mais tout un chacun est désormais susceptible de se voir ainsi « interroger » selon ce paragraphe 2 de l'article 67 de la Constitution, aussi bien les personnels gouvernementaux que tous les citoyens. Il s’ensuit que, sans passer par les procédures d'activation d'une commission d'enquête officielle ou d'un groupe de travail, les diverses commissions de l’Assemblée nationale peuvent exiger que toute personne est susceptible de devoir répondre au titre de l'article 25. De plus, un député individuel peut, lors des interrogations en commission, demander à des personnes de la société de fournir des informations. Si les personnes de la société ne fournissent pas les informations demandées, elles peuvent être sanctionnées d'une amende pouvant aller jusqu'à 200 000 yuans. Quelle absurdité !
Ce qui est encore plus préoccupant, c'est que ce type d'amende est décidé par le Parlement, ce qui équivaut à une action administrative du législatif. Or si le gouvernement (l’exécutif) abuse de son pouvoir, il existe encore le Parlement et le Contrôle administratif pour le surveiller ; mais si le Parlement abuse de son pouvoir, qui peut le surveiller ? Les membres du Parlement permettraient-ils au Yuan de Contrôle d'incriminer ceux qui abusent de ce « super droit d'interpellation » ?
L’extension des pouvoirs d'enquête du congrès et ses conséquences pour le secteur privé
Sous prétexte d’une « réforme du Parlement », le Kuomintang et le TPP (Parti du Peuple de Taïwan) ont approuvé dans la précipitation, au mépris d’une délibération suffisante, un nouvel amendement à l'article 47 de la Loi sur l'exercice des pouvoirs du Yuan législatif, ignorant les principes élémentaires de la justice procédurale. Cet amendement confère au Parlement le pouvoir de mener des enquêtes sur toute personne. Désormais, le Yuan législatif peut contraindre toute personne, y compris les militaires, les organismes gouvernementaux, les personnes morales et les individus concernés, à témoigner publiquement et à fournir n’importe quel document, sous peine de se voir infliger des amendes par le parlement de manière continue. Ces sanctions ne nécessitent pas de décision judiciaire et ne peuvent faire l’objet que d’un recours administratif ultérieur. Cela non seulement n'améliore pas la surveillance du parti au pouvoir, mais peut en réalité devenir un outil entre les mains du parti majoritaire pour s’en prendre à ses adversaires politiques et pour porter atteinte aux droits des citoyens et des groupes civiques.
Le 21 mai, le parlement (le Yuan législatif) a adopté en deuxième lecture un projet de loi d'extension de ses pouvoirs. Le chapitre VIII, article 45 et les articles suivants, autorisent le parlement à créer des commissions d'enquête proportionnellement aux partis politiques, dès lors qu'une majorité absolue est obtenue. Par ailleurs, ces articles permettent également aux commissions permanentes de constituer des groupes d'enquête spéciaux sans restriction explicite, ce qui permet aux commissions dominées par un seul parti de mener des enquêtes sans contrainte sur quiconque. Que ce soit pour les commissions d'enquête ou pour les groupes d'enquête spéciaux, il n'est pas nécessaire d'avoir une cause illégale explicite ni une ordonnance judiciaire, et il n'existe aucun mécanisme clair de prévention des conflits d'intérêts ou de recours. Une telle extension de pouvoir porte directement atteinte à la vie privée et aux libertés garanties par la constitution.
Par exemple, dans une situation où un parti d'opposition prochinois détient la majorité au parlement, ces nouveaux pouvoirs peuvent donner à Pékin la possibilité de mener une répression transnationale, violer les des droits de l'homme ou contrôler des infrastructures critiques ou des grandes entreprises importantes. Au nom de cette procédure d’enquête et sous la pression constante de devoir payer des amendes, des informations confidentielles pourront être ainsi transférée. Une fois que ce type de pouvoir d'enquête sans frontières sera officiellement mis en œuvre, tous les Taiwanais, même s'ils n'ont aucun soupçon clair de violation de la loi, peuvent devenir la cible d'enquêtes lancées par le représentant du peuple, à condition qu'ils répondent aux « objectifs d'enquête » fixés par les législateurs. Ce seront en premier lieu les organisations de défense des droits de l’homme, les groupes de citoyens et les journalistes indépendants qui traitent des informations sensibles, mettant ainsi notre démocratie en grand danger et en grande menace.